« J’ai probablement mal agi, mais... » : le père de Yann Moix nous écrit

Yann Moix, ecrivain regrette sur le plateau de LCI. Paris, FRANCE -  25/09/2018.
photos by IBO / SIPA PRESS//IBO_IBOA.005/Credit:IBO/SIPA/1809251201

Yann Moix, ecrivain regrette sur le plateau de LCI. Paris, FRANCE - 25/09/2018. photos by IBO / SIPA PRESS//IBO_IBOA.005/Credit:IBO/SIPA/1809251201 IBO/SIPA / SIPA

EXCLUSIF. Dans « Orléans », Yann Moix raconte avoir été tabassé par son père. Celui-ci, après avoir déclaré ne l’avoir « jamais battu », trouve son livre « magnifique », tout en soutenant qu’il s’agit d’une « fiction ».

« Orléans » est un roman âpre et bleu comme l’acier des trempes que reçoit son narrateur, l’écrivain Yann Moix. Il raconte une enfance moche et triste, vide de tendresse, qui passe au rythme des mornes rentrées scolaires d’automne et des corrections de ses parents. Sa mère le traite d’« enculé », son père le tabasse, l’humilie, l’avilit. De ces géniteurs-là, l’enfant ne veut rien. Sauf les faire « disparaître ». Qu’ils « n’existent plus ». Yann Moix devenu adulte a tenu sa promesse d’enfant et écrit « la vérité dans sa simplicité nue ». Il dit de son dix-septième livre qu’il est « un roman d’humiliation comme il existe des romans d’initiation ».

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Mais son père n’est pas d’accord. L’ancien kinésithérapeute, aujourd’hui âgé de 75 ans, a regardé les confessions de son fils à la télévision et fait savoir dans une interview à « la République du Centre », publiée le 17 août, que Yann Moix « n’a jamais été un enfant battu » et que « tout ce qui est relaté dans Orléans (tout comme dans « Panthéon », paru en 2006) n’est que pure affabulation ».

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Contacté par « L’Obs », José Moix a refusé de nous rencontrer mais nous a envoyé une lettre. Il reconnaît quelques « sanctions », méritées à ses yeux, mais aucun « des sévices décrits par Yann ». Il décrit son fils comme un « enfant terrible », « surdoué certes », « attachant » mais dont la « violence » envers son petit frère Alexandre, de quatre ans son cadet, était difficile à « canaliser ».

Il reconnaît cette fois avoir « probablement mal agi », avoir été « trop sévère » : « J’ai moi-même été abandonné et martyrisé. Je me suis construit tant bien que mal. » L’enfant victime, c’est Yann, admet-il, mais c’est aussi lui, et son petit frère Alexandre, lit-on en filigrane. Un petit frère qui, étrangement, n’apparaît pas dans le livre.

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Ce livre, José Moix l’a lu. Il l’a trouvé « magnifique ». Ce qu’il reproche à son fils, c’est de présenter un travail de « pure fiction », classé dans la catégorie « roman », comme une « autobiographie ». Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité de son texte.

« Yann est probablement une victime mais il en oublie une autre, son frère », par José Moix

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Il y a quelques jours, j’ai donné à « La République du Centre »  une interview qui a été reprise par les médias et au sein de laquelle je déclarais que mon fils Yann n’avait jamais été un « enfant battu ».

Si la notion d’enfant battu n’avait pas du tout, il y a quarante ans, la signification qu’elle a aujourd’hui, les réactions adoptées à la suite de ses comportements mettant parfois en danger la vie de son petit frère, ne correspondent pas aux sévices décrits par Yann.

Contrairement à ce que Yann prétend, les sanctions n’arrivaient pas sans raison.

En effet, Yann n’a jamais accepté la naissance de son petit frère Alexandre, de quatre ans son cadet. A partir du moment où Alexandre est né, il n’a jamais pu supporter qu’il existe. Lui qui avait été un enfant si doux jusque-là, il est devenu un enfant terrible. Surdoué certes, attachant à beaucoup d’égards, mais malheureusement au quotidien, nous avions de grosses difficultés à canaliser sa violence. Il a toujours voulu « éliminer » Alexandre, et quelques fois de manière physique.

Lorsque vous avez un enfant de six ans qui veut défenestrer du premier étage son petit frère et qu’on le rattrape in extremis, comment réagir ? Ou encore lorsqu’il a tenté au même âge de le noyer dans la cuvette des toilettes, ou que, devenu adolescent il courait après lui avec un couteau de cuisine dans la maison familiale (ce qu’il attribue aujourd’hui à sa mère !), qu’il cassait systématiquement tout ce qui appartenait à son frère, qu’il le rabaissait sans cesse, qu’il l’humiliait et le rouait de coups dès que nous avions le dos tourné… comprenez que j’ai probablement mal agi face à l’ampleur des violences qu’il faisait subir à son petit frère.

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J’ai moi-même été abandonné et martyrisé. Je me suis construit tant bien que mal, j’ai éduqué mes enfants comme j’ai pu et certainement de manière trop sévère, mais très loin des sévices décrits.

Yann est probablement une victime mais il en oublie une autre, son frère.

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Suite à l’interview que Yann a donnée sur TF1 dans « Sept à Huit », et dans laquelle il déverse un flot de mensonges quant à des sévices corporels et divers propos graves à notre encontre, j’avais envisagé de faire interdire son livre. Aujourd’hui, je l’ai lu et je n’en prendrai pas la responsabilité car c’est inutile.

C’est un magnifique roman. Mais c’est une pure œuvre de fiction. A ce titre, il est important de remarquer que l’éditeur de cet ouvrage prend le soin de le classer dans la catégorie « roman », confirmant ainsi qu’il ne s’agit pas d’une autobiographie. Ce sont les interviews que donne Yann et l’angle de sa promotion qui dénaturent la réalité.

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José Moix

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